Résonner-Raisonner: Pour une Histoire de l'art raisonnablement passionnée.

 

Cette réflexion fait suite à mon premier article sur l'objectivité de l'historien. J'y parlais surtout de l'empathie avec le sujet en tentant d'en démontrer les limites sinon les dangers. L'idée m'est venue en jouant sur les mots: résonner et raisonner. Car finalement c'est cela faire de l'histoire de l'art, c'est mettre en résonnance des impressions vécues face à des oeuvres, avec une connaissance raisonnée du contexte de création et d'exposition de celles-ci. Un tableau de Delacroix, une oeuvre du Bernin ou - pour ouvrir notre questionnement à une vision plus large de la notion d'art - un mouvement de Mozart, un paragraphe de Stendhal, provoquent en nous des émotions voire un écho. Ce que j'appelle écho c'est le rebond opéré par notre inconscient qui nous mène à associer à un objet d'autres objets ou sensations ou souvenirs. L'oeuvre d'art résonne ainsi en chacun de nous dans le sens où elle nous rappelle à tous quelque chose. Cette résonnance est éminement subjective, elle peut tout aussi bien être issue de l'inconscient collectif (c'est sur ce type de code que vont jouer les parodies par exemple: un élément connu du plus grand nombre que l'on détourne pour le rendre risible), que d'une expérience beaucoup plus personnelle (de fait je ne peux m'empêcher d'associer certaines de mes lectures avec la musique que j'écoutais dans le même temps).

L'historien peut-il se départir de cette capacité de résonnance? Et surtout, le doit-il? Bien que l'objectivité soit le maître mot de toute démarche historique scientifiquement sérieuse, je ne peux m'empêcher de penser que ce qui fait la particularité de l'historien de l'art, c'est la subjectivité de son objet d'étude. Face au positivisme du document historique (acte notarié, décision d'un quelconque comité...), l'art propose des oeuvres dont le statut même d'oeuvre d'art est à redéfinir voire tout simplement à définir.

Tout comme le disait Georges Hulin de Loo (un historien d'art belge du début du XXème siècle), l'histoire de l'art comprend finalement deux disciplines distinctes: la méthode sédentaire qui se penche sur les archives (discipline dans laquelle les Français excellent) et la méthode nomade qui se concentre sur les rapprochements entre différentes oeuvres distantes de du fait de leur répartition dans les musées (spécialité des Allemands). La première se consacre aux documents et la seconde aux monuments. Le problème soulevé par Hulin de Loo consiste en l'impossibilité intellectuelle de pratiquer les deux disciplines en même temps. C'est la grande difficulté rencontrée par les différentes écoles d'Histoire de l'art du début du XXème siècle. Je pense qu'aujourd'hui cette distinction majeure est rompue mais reste l'une des difficultés majeures à laquelle un historien est confrontée. Seules quelques personnalités ont su dans le courant du XXème siècle proposer une histoire tant empirique que postiviste, ainsi Charles Sterling fait-il partie de ces historiens qui bénéficiaient à la fois de la rigueur de l'archiviste et de la sensibilité de l'esthète. Je pense ainsi que raison et résonnance ne sont pas antinomiques mais bien plus encore qu'elles sont nécessaires à la pratique d'une bonne histoire de l'art.

 

Retour en page d'accueil.

Retour en page méthodologie.

Vers l'article sur l'empathie avec son objet d'étude.

Vers le Forum

eXTReMe Tracker